Ils tentaient aussi, de provoquer une sorte derencontre entre les deux cultures et insistaient exclusivement sur l’apport scientifique et technique del’Occident. Lafrancophonie se limitait presque exclusivement à la langue dans le pays duMaghreb, mais elle investissait les structures politiques, culturelles etéconomiques au Machrek. Il est évident que les voyages en Europe,l’ouverture de certaines écoles par les missionnaires, le rejet de la présenceottomane, les contacts permanents avec l’Europe ont favorisé l’installation dece discours francophoniste sous-entendu par des relais idéologiques profonds.
Lalecture des textes politiques, économiques, sociologiques et littéraires montreà quel point l’influence française est considérable. Nous ne pouvons que s’interroger sur “l’originalité” de certains textesqui ne font que reproduire des passages ou même la structure architecturale dequelques romans ou pièces de théâtre français. Unauteur aussi célèbre que Tawfiq El Hakim,reprit pour sa pièce Ali Baba, lesprincipaux éléments de la construction dramatique d’un opéra français dudix-neuvième siècle et ignora complètement le texte original « LesMilleset une nuits » ; les écrivains reprirent souvent un certainnombre de structures reproduites d’ouvrages de Daudet ou de Hugo par exemple. Ainsi,il n’est nullement possible de comprendre la situation actuelle faite dedésillusions et de désenchantement, si on n’interrogeait pas l’histoire etsurtout la rencontre avec l’Europe, essentiellement au XIXèmesiècle. Ce regard est primordial pour mieux cerner cette attitude ambivalentecaractérisant les sociétés arabes trop investies par un dédoublementparalysant, mettant en jeux deux univers, l’un formel, l’autre informel plusprésent, même s’il est moins apparent. Desactivités de traduction importantes furent également observées pendantplusieurs siècles à l’intérieur du monde musulman notamment entre l’arabe, lepersan et le turc. Cette expérience de la traduction, qui est en grande partieresponsable de la conception de la science dont le monde moderne a hérité,aurait pu servir à la fois de référence et de stimulant pour la tâche detraduction que doit accomplir le monde arabe aujourd’hui.
Mais, après deuxsiècles de tentatives dans ce domaine, faute de cohérence, de rigueur et,surtout, de continuité, les résultats obtenus, trop faibles relativement par rapport aux besoins, n’ont pas pu créer ladynamique culturelle attendue. Pource qui est des organismes étrangers ou des ambassades, les actions les plusimportantes sont celles menées par les français, les allemands, les russes etles américains. Ledépartement de traduction du centre culturel français du Caire a initié unprogramme de traduction depuis 1980, reconduit depuis 1990 sous le nom de « Projet Taha Hossein de traduction »et abandonné en 2006. Lebut était de traduire vers l’arabe des livres universitaires et des fictionspubliés en France, et de traduire en français des œuvres arabes littéraires ouportant sur des sujets Contemporains. La société moderne est unesociété du savoir, et les pays qui ne sont pas encore parvenus à réaliser cetobjectif doivent s’y atteler sans tarder. Ce savoir est un savoir lettré,qui passe par l’écriture, et est structuré en un savoir spécialisé, réservé àun nombre relativement limité de savants, de techniciens supérieurs ou dechercheurs, et un savoir général, partagé par l’ensemble de la population. Toutesles sociétés sont en réalité des sociétés du savoir. Ce qui distingue la société moderne dessociétés pré-modernes, c’est d’abord la généralisation d’un savoir minimal debase d’un nouveau type : tout le monde doit savoir écrire, lire etcalculer, et dans le même temps posséder un bagage de connaissances générales,scientifiques, artistiques et littéraires, appelé à s’élargir de plus en plus.
Ensuite,les sciences et la technologie, qui sont au fondement des deux aspects dusavoir, revêtent un double caractère ; l’universalité et l’ouverture versun progrès indéfini. Une société du savoir au sens moderne est donc une sociétéoù, d’une part, tout le monde doit savoir lire et écrire et posséder uneculture générale de plus en plus large et sophistiquée, et où, d’autre part, lascience et la technologie doivent avoir un caractère universel et suivre lerythme de développement indéfini qui s’impose au monde entier. Aujourd’hui,l’universalité de la science et de la technologie passe par l’usage del’anglais, par conséquent, toutes les sociétés traduisent de cette langue.9. Ledéveloppement de la traduction en Égypte : Entrela fin des années 1950 et 1976, la traduction égyptienne connaît un dynamismetout à fait inédit, au point que beaucoup, jusqu’à aujourd’hui, considèrentcette période comme son âge d’or. Les volontés d’un régime nassérienengagé dans une vaste politique d’éducation des masses rencontrent alors lescompétences d’une élite intellectuelle multilingue formée dans la premièremoitié du siècle. Suit une longue période de recul, les années Sadate ayantété, pour reprendre les mots de Gamalel-Ghitany « une catastrophe pour tout le secteurculturel ».
Ilfaudra attendre la fin des années 1980 pour qu’une relance s’opèreprogressivement, sous l’effet conjugué de plusieurs initiativespubliques : le développement des programmes d’aides étrangers (américain,avec le Book Program, et français, avec ce qui deviendra en 1989 le Programmed’aide à la publication « TahaHussein »), le projet « Mille livres bis » de la General Egyptian Book Organization (depuis 1986) et, surtout,le Projet national de